Nous trouvons dans une Revue imprimée en Esperanto, intitulée : La voix des Médecins, organe mensuel pour la correspondance internationale des Médecins dans les affaires professionnelles, éthiques et médico-sociales, l’article suivant, que nous reproduisons pour nos lecteurs.
"Rumana Esperantisto" publie la lettre de M. le général Docteur Demosthen, professeur à la faculté de Médecine de Bucharest et inspecteur principal de santé de l’armée roumaine, relative à l’emploi de l’Esperanto pour les relations médicales :
Nous détachons de cette lettre les passages suivants :
"Vous savez bien - écrit le docteur Demosthen - qu’il y a longtemps, la langue médicale écrite et parlée était la même dans toutes les Universités et dans presque toutes les écoles de médecine ; c’était la langue latine. Les examens, les thèses des docteurs, les ouvrages littéraires, qui encore maintenant enrichissent les bibliothèques, étaient tous faits en langue latine. J’ai devant moi une dissertation, imprimée en latin, par l’Université d’Iéna, en 1858 : "De morbo haemorrhoidali, disertatio inauguralis... pro gradu doctoris... actor Davidis Metzis..."
Par conséquent ce n’est que depuis quelques dizaines d’années que cet intermédiaire, plein de valeur pour les relations, a été abandonné et on ne l’a pas remplacé par quelque chose d’équivalent, sinon par quelque chose de meilleur.
Il me semble que l’abandon d’une langue commune, dans le domaine scientifique et de la littérature médicale a été une mauvaise affaire qui a plutôt nui à l’instruction et à la vulgarisation de la médecine.
On doit avouer qu’il n’est pas facile de chercher des traducteurs qui nous feraient connaître la littérature médicale, imprimée dans les langues que nous ne possédons pas, et si nous devions prendre part d’une façon effective à de grandes réunions scientifiques internationales, où de très importantes questions sont traitées en diverses langues, celui qui n’est pas polyglotte y assisterait dans l’inaction, puisqu’il ignorerait le sujet de la discussion et surtout quels seraient les arguments présentés. Dans de telles conditions, il ne pourrait sérieusement y prendre part, bien qu’il puisse posséder une grande expérience touchant l’affaire traitée. Pour connaître l’essence de ces communications ou la nature des propositions faites, ainsi que les décisions prises au sujet des questions à la discussion desquelles il aurait assisté, il devrait attendre six à huit mois pour les voir publiées et c’est seulement après leur traduction dans une langue connue de lui, qu’il pourrait examiner des faits pour lui intéressants.
Je me suis trouvé dans une circonstances semblable au dernier Congrès international d’hygiène et de démographie, qui eut lieu l’an dernier à Berlin et auquel j’assistai : les communications orales ayant été faites en anglais, en allemand, en français et en italien. Pour prendre part d’une façon profitable à de tels congrès, un Allemand, un Anglais, un Français ou bien encore un Italien doit posséder encore trois langues, et un Russe, un Turc, un Norvégien, un Japonais, un Roumain, etc. quatre langues en dehors de la sienne propre. Je ne sais s’il s’est trouvé à ce Congrès des congressistes aussi polyglottes.
Très certainement à peine quelques congressistes possédaient une deuxième langue en dehors de la leur. De très nombreux médecins, presque le plus grand nombre, des Allemands, des Anglais, des Français ne connaissent que leur propre langue et tous s’accordent à avouer la gêne et les obstacles qu’ils ont rencontrés avant d’être renseignés sur les affaires discutées en des langues inconnues d’eux, dans des réunions auxquelles ils ont pris part. Et que l’on note bien, que dans tous les pays, le plus grand nombre des médecins est "monoglotte". À une des réunions du Congrès de Berlin, deux confrères ont fait chacun une communication orale, l’un en anglais l’autre en allemand. Ne possédant pas suffisamment ces langues, non seulement je n’ai pu prendre part à la discussion, mais encore maintenant, après quatre mois passés, j’attends toujours pour apprendre l’essence de ces ouvrages, de recevoir et faire traduire ensuite les cahiers du Congrès.
Cette importante lacune dans l’internationalité de la langue m’a décidé à proposer au Congrès de Berlin la langue esperanto pour les thèmes, communications et discussions dans les congrès internationaux de science médicale, au lieu de la langue latine abandonnée.
Quand cette langue si simple, sonore, et si facilement compréhensible - pour laquelle le Dr Zamenhof a le droit d’aspirer déjà, dès maintenant,à la reconnaissance des intellectuels du monde entier - quand cette langue sera devenue obligatoire aux congrès, les congressistes de tous pays entendront et comprendront une seule et même langue de sorte que chaque congressiste n’aura besoin de s’en approprier qu’une seule en dehors de celle maternelle, au lieu de trois ou quatre.
Dans ce but on doit apprendre l’esperanto et pour cela demander de la part de tous, une bonne volonté, une tolérance et principalement un amour de son prochain, malade ou blessé, au cours de catastrophes épidémiques ou militaires : le patient doit trouver dans un médecin français comme dans un allemand, dans un médecin anglais aussi bien que dans un chinois, un turc, un grec ou un hongrois, comme encore dans un médecin roumain, etc. il doit trouver un frère au coeur compatissant, qui dès le premier instant, le console par ces mots, compris partout "Amata frato, havu kuraĝon ĉar ni vin helpos."
De mon côté, quoique vieux je m’efforcerai d’apprendre l’esperanto que je considère comme un moyen d’adoucir les moeurs et par suite un instrument de civilisation ; comme le principal intermédiaire qui pourra et devra être acquis à la grande question du pacifisme, création humaine du plus haut degré qui deviendra, je l’espère, le plus grand triomphe du siècle.
Ce qui me fait croire à la victoire finale, c’est l’aide puissante qu’apporte à l’Espérantisme le fameux penseur et philanthrope Tolstoï ; les membres de l’Institut de France, MM. Naville, Bouchard, Becquerel ; les membres du Collège de France et de l’Académie de Paris, MM.Ch. Richet, d’Arsonval, Poincarré : les professeurs universitaires, MM. Boirac, Broca, Acher ; les chefs militaires, général Lord Roberts, général japonais Oku, général Sébert membre de l’Institut de France, général Gillet ; les colonels Pollen, Renard, Ballangier, etc. et des personnalités comme le prince Roland Bonaparte, MM. Beaudouin de Courtenay, Mourlon, etc."